- Bonsoir, que désirez-vous ?
- Un double.
- Très bien.
Comme les autres soirs, Granger s’exécuta. Elle ne se doutait toujours pas de qui j’étais.
- Voilà monsieur.
- Merci.
- Dite moi, il n’y a pas foule ce soir.
- Comme tous les soirs de …
Elle s’interrompit en voyant mes yeux.
- Un problème ?
- Non j’ai cru que…
- Quoi ?
- Vos yeux. J’ai cru qu’il avait changé de couleur.
La chasse était de nouveau ouverte.
- Ah bon, sûrement un effet de la lumière.
- Oui sûrement.
Elle partit, au comptoir, visiblement perturbée.
- Ce soir, j’avais décidé que tout serait fini. Ce soir. Mais avant, j’allais m’amuser avec ma victime.
***
J’étais occupée à laver les quelques verres que j’avais servis et repensais à ce que j’avais cru voir.
Les yeux de cet homme, qui étaient marron, semblaient une seconde, avoir pris une teinte bleu gris métallique.
Dans toute mon existence, il n’y avait que deux personnes avoir possédé cette couleur : Lucius Malefoy et Draco. Les deux étaient morts.
Du moins, c’est ce que je croyais.
Pourquoi fallait-il que je vois ça ce soir. Est-ce que… ??? Non tu deviens folle comme à chaque anniversaire. Tu crois avoir réussi à laisser les choses derrière toi. Mais au fond, tu sais très bien que c’est faux. Et jusqu’à ta mort tu y repenseras quoique tu fasses.
Voyant que l’homme avait fini, je m’approchais à nouveau de lui.
- Vous en voulez un autre ?
- Oui. Mais comme nous sommes seuls, prenez s’en un et buvez le avec moi.
Depuis que j’étais là, c’était la première fois qu’un client me faisait cette proposition. Les habitués n’avaient jamais fait cela. Remarque mon attitude n’aidait pas.
- C’est très sympathique de votre part mais non.
***
Pourquoi me résistait-elle.
Plus je la regardais plus je percevais cette chose, au fond indéfinissable, qui la faisait différente d’autrefois.
Ce petit jeu, du chat et de la sourie, commençait sérieusement à me lasser. Je n’avais qu’une envie, en finir et le fait que je n’arrivais pas à l’amener là où je voulais, m’exaspérait au plus haut point.
- Voyons Granger, ne t’entête pas.
-...
***
Ce ton. Cette manière de m’appeler avec tant de mépris. Impossible … Pourtant…..
Mon cœur avait cessé de battre quelques secondes. Je doutais et pourtant tout mon être savait. Je me retournais d’un coup pour lui faire face sans rien montrer comme je l’avais toujours fait depuis cette nuit où j’étais partie.
- Qui êtes vous ?
- Voyons. Tu ne le devines pas ?
Il y eut un silence comme jamais qui fit remonté toute la douleur dans mon cœur.
- Non, c’est impossible…
- Tu le crois vraiment… Sang de bourbe.
***
A cet instant, je pris ma baguette et reprit mon apparence.
- Malefoy ! Hurla-t-elle.
A part le son de sa voix, rien ne trahissait sa surprise.
- Et oui. Je vais pouvoir enfin en finir avec toi. Et tes amis ne sont plus là pour m’en empêcher.
Elle resta impassible et dit alors simplement.
- Je le sais.
C’était étrange. Elle était résignée comme si elle avait toujours su que cet instant viendrait. Comme si elle s’y était préparée.
Pour la première fois, depuis dix ans, j’étais déstabilisé. Mais qu’est ce que tout cela voulait dire.
- Tu me déçois Granger. Pas de peur, pas de larme en entendant cela.
- Pourquoi. Cela fait dix ans que je sais que je vais mourir.
Elle avait lâché ces mots comme si tout cela était des plus normales.
Sa révélation m’intrigua. Mais je devais en finir.
Je scellais la porte d’un mouvement sec de mon poignet. Je levais ensuite ma baguette puis là, je ne sais comment, ses yeux ont capturé les miens.
Et à cet instant, tout me parut clair.
Cette chose que je n’arrivais pas à définir, tout à l’heure, c’était la perte de son envie de vivre. Cette petite étincelle qui l’a rendée différente de toutes les autres. Qui la rendait brillante par rapport à toutes celles que j’avais côtoyées toute ma vie. …
Alors ma main s’abaissa en laissant tomber ma baguette. Je m’avançais vers elle et soudain je l’ai embrassée. Comment et pourquoi. Ces questions n’avaient pas besoin d’être. Et à mon plus grand étonnement, elle répondit à ce baiser avec l’énergie du désespoir.
Sans réfléchir, nous avons commencé à ôter nos vêtements. Le contact de nos corps nous donnait l’impression d’approcher de la rédemption. Nous avions besoin de chaleur tant notre souffrance, totalement opposée, était semblable à celle de l’autre.
Pour la première fois, quelqu’un me comprenait et partageait cette même douleur qu’on les gens qui ont tout perdu.
***
Pourquoi j’avais tant besoin de sentir sa peau contre la mienne. Pourquoi je gémissais sous chacune de ses caresses.
Après tout, il avait été toujours mon ennemi. Il avait même essayé de me tuer lors de cette terrible bataille et c’était Ron qui m’avait protégée en se sacrifiant à ma place. Et pourtant j’étais entrain de me donner, sans aucune contrainte, à cet homme à l’apparence froide dont les convictions me faisaient horreur
Mais j’en avais besoin. Avant de mourir, je voulais vivre une dernière fois.
Oui, je savais que j’allais mourir. Il ne pouvait en être autrement. C’était un Malefoy, seul l’honneur comptait quoiqu’il en coûte, quelque soit les sentiments.
Et puis les mots de la prophétie me revinrent en mémoire. Pour une fois, Trelawney avait vu juste. Tout serait fini ce soir et la paix serait définitivement acquise.
Je sentis alors une chaleur intense m’enivrait. Je n’avais jamais éprouvé cela. Puis mon cri suivi du sien. Etonnant mélange de douleur et de bonheur. Et ces mots à lui, soufflés dans mon oreille.
- Je t’aime.
***
J’étais venu pour la tuer. Et voilà que je m’apercevais, que je l’avais toujours aimée malgré ma haine.
Ces mots étaient sortis le plus naturellement du monde. Comme l’échange banal d’un couple amoureux.
Mais ce n’était pas le cas.
Je posais alors ma tête sur sa poitrine. Elle se mit à caresser mes cheveux.
Tant de délicatesse, tant de douceur.
Elle m’avait fait renaître à la vie. Elle avait fait s’éloigner mes démons et mes cauchemars. Cependant elle se leva. Elle ne disait rien. Elle commença à s’habiller.
Je me suis levé et fis de même. Puis je me suis rapproché. Elle me tournait le dos. Je passais mes mains alors sur son ventre, collant mon visage contre sa joue.
Instant divin qui n’a besoin d’aucun mot.
Je ne m’attendais pas à ce qu’elle me dise qu’elle m’aimait. Je ne le désirais même pas. C’est alors qu’elle s’est détachée de moi. Elle fit quelque pas et ramassa ma baguette.
Une seconde, j’ai cru qu’elle allait s’en servir contre moi. Que tout ce qui venait de se passer était une ruse pour m’éliminer. Mais non, elle avança en me tendant l’objet et ajouta.
- Fais-le rapidement.
Mes yeux s’ouvrirent en grands.
- Quoi ?
- Fais le répéta-t-elle.
- Ca n’a plus de raison maintenant.
J’avais envie de la serrer dans mes bras mais elle recula.
- Draco.
Elle s’arrêta. L’entendre prononcer mon prénom était la chose la plus douce de la terre.
Elle reprit.
- Toi et moi savons que tu dois le faire.
- Mais…
Elle posa son doigt sur mes lèvres.
Je réalisais qu’elle avait raison. Elle ajouta
- Sinon tu ne serais plus l’homme que j’aime et qui m’a redonnée vie.
Cet aveu bouleversa mon âme.
Elle m’aimait.
C’est là, que je vis que cette lumière, dans ses yeux, était revenue. Elle était à nouveau la Hermione Granger que j’avais toujours connue.
***
Je m’avançais une dernière fois vers lui et l’embrassa encore. La baguette passa dans sa main. J’étais vivante et amoureuse. J’étais enfin en paix avec moi-même.
***
Elle détacha ses lèvres des miennes et me sourit. Dieu qu’elle était magnifique. Une larme coulait sur sa joue. On aurait dit un ange.
Le reste se passa de commentaire.
L’acte dura en lui-même une seconde. Pour moi ce fut une éternité.
Elle tomba lentement sur le sol. Je n’entendis aucun bruit. Car ma vie s’était arrêtée en même temps que son souffle. Je vins à coté d’elle, soulevant sa tête pour la poser sur mes genoux.
Je pleurais. Oui, pour la première fois de ma vie je pleurais. Je venais de tuer la seule femme que je n’avais jamais aimée.
Ironie du sort le tableau final que j’avais prévu au départ me revint en mémoire.
Hier matin, j’avais envoyé un grand duc au ministère de la magie pour annoncer que Hermione serait ici dans ce pub. J’avais ajouté que je ne voulais pas de la récompense mais que c’était pour l’honneur que je le faisais. Ils étaient censés la découvrir morte avec ce mot qu’il y avait dans ma poche. Ca aurait du être ma vengeance et l’honneur retrouvé.
Mais tout ceci n’avait plus de sens.
Alors j’ai décidé de faire la seule chose digne : Tuer son assassin. C'est-à-dire moi.
Je brûlais donc la lettre, et là je commençais à entendre des coups dans la porte. Sûrement les aurors.
Jamais ils ne sauraient ce qui s’était joué ici.
Le dernier acte tragique du combat entre le bien et le mal.
Je posais encore une fois mes lèvres sur les siennes et puis….
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Quand les aurors rentrèrent dans le pub, ils trouvèrent deux corps sans vie. Celui de Hermione Granger et celui de Draco Malefoy. Ils étaient enlacés.
Etrange scène, que le dernier des mangemorts et la dernière survivante de l’Ordre Du Phénix, réunis dans la mort.
Les journaux ne spéculèrent pas sur ce fait. Chacun gardant son opinion pour lui.
La prophétie, que tout le monde ignorait, venait de s’accomplir.
La paix allait enfin régner.Fin